La nouvelle Première ministre du Togo, Victoire
Sidémého Tomegah-Dogbé, 60 ans, est la première femme à prendre la tête du
gouvernement. Elle était auparavant directrice de cabinet du président
Faure Gnassingbé dont la réélection en février dernier pour un quatrième mandat
est toujours contestée par l’opposition. Après son discours de politique
générale devant l’Assemblée nationale, elle a animé la semaine dernière un
séminaire gouvernemental.
RFI l'a interviewée pour son premier entretien à
un média étranger depuis sa nomination le 28 septembre dernier.
RFI: À l’occasion de votre premier séminaire gouvernemental, vous
annoncez vouloir « gouverner autrement ». Qu’est-ce que cela signifie
?
Victoire Sidémého Tomegah-Dogbé : Gouverner autrement, cela
veut dire que vous devez travailler pour démontrer des résultats. Cela
nécessite de la cohérence, de la discipline, de la rigueur. Nous nous sommes
focalisés sur un nombre limité de projets, de réformes prioritaires. Nous
voulons nous assurer de la coordination, de la collaboration étroite entre
différents ministères et surtout engager leur responsabilisation. Vous avez
qu’à la fin du séminaire, chaque ministre s’est s’engagé sur sa feuille de
route, sur laquelle il sera constamment suivi et évalué et sur laquelle il va
rendre compte aux populations togolaises.
Gouverner autrement avec des femmes.
Dix femmes sont ministres dans
votre gouvernement avec des portefeuilles importants comme l’Énergie ou la
Défense.
Nous pensons que toute politique de développement doit mettre la femme au
centre des préoccupations pour éviter l’échec. Vous connaissez l’histoire des
Nana Benz et toutes ces braves femmes qui continuent de porter leur famille à
travers leurs occupations que ce soit au champ ou au marché ou au bureau. Donc
le chef de l’État togolais a tout simplement décidé de faire confiance aux
femmes, à leur leadership, en leur confiant des postes de responsabilité. Vous
l’avez dit vous-même, ce sont des femmes qui occupent désormais des postes
stratégiques, je veux parler des mines, de l’énergie - la jeune femme, elle 29
ans. Il y a les travaux publics, il y a l’armée. Et c’est une femme qui est
présidente de l’Assemblée nationale du Togo. C’est une volonté politique qui se
concrétise.
On vous a entendu lors de votre déclaration de politique générale
insister sur le développement, la modernisation et aussi sur le digital.
Vous savez aujourd’hui, il est important de rendre la vie beaucoup plus
facile aux citoyens. Il faut simplifier les procédures. Pour nous, le digital
doit être au cœur de tout ce que nous faisons. D’ailleurs, la gestion de la
Covid-19 nous a montré que, aujourd’hui, il faut absolument digitaliser nos processus.
Il faut digitaliser l’administration. Il faut digitaliser l’économie de notre
pays.
Mais les vrais problèmes du pays ne sont-ils pas ailleurs ? La crise
politique n’est toujours pas réglée au Togo.
Aujourd’hui, nous devons regarder devant. Nous devons avancer, nous devons
nous mettre au travail. Et aujourd’hui, ce qui nous préoccupe le plus, c’est
comment sortir de cette situation de crise Covid. Et je pense que c’est là où
se trouvent les priorités nationales. Et je souhaite vraiment que l’on s’en tienne
à cela.
Mais les résultats de la dernière présidentielle sont pourtant
toujours contestés...
La population togolaise, la communauté internationale ont toutes été témoin
du bon déroulement du processus électoral dans notre pays. Le Togo est un pays
démocratique. Il a des instruments de régulation et de suivi des processus
électoraux. La Commission électorale nationale indépendante et le Conseil
constitutionnel ont déjà réglé cette question. Je vous dis que je me consacre
sur les défis économiques, sociaux, sanitaires. C’est ça qui nous préoccupe
aujourd’hui.
Reste que Agbéyomé Kodjo, qui continue à réclamer sa victoire, se
cache depuis plusieurs mois pour échapper à des poursuites judiciaires. Ces
poursuites ne sont-elles pas engagées simplement pour le contraindre à
s’éloigner ? Pour le faire taire ?
Vous savez, c’est pour nous une affaire de la justice et il faut laisser la
justice faire son travail. Je pense que personne n’a poussé Agbéyomé Kodjo à
l’extérieur de notre pays. Nous voulons vraiment rassurer les uns les autres,
ce qui est important pour nous aujourd’hui c’est de travailler à répondre aux
besoins sociaux des populations. Et nous n’avons pas de temps à perdre.
Et que répondez-vous à l’ANC de Jean-Pierre Fabre qui vient de
lancer un appel au chef de l’État et au gouvernement pour la reprise de la
présidentielle ? Cette page n’est manifestement pas tournée pour de nombreux
Togolais.
Pour nous, elle est tournée. Je sais qu’au Togo, tout le monde a compris que
cette page est tournée. Il peut y avoir des gens qui ne sont pas contents, mais
il faut se soumettre à cela. Sinon, on ne s’en sortira jamais. Il faut se
soumettre à cela. Donc, nous pensons réellement qu’il faut nous focaliser sur
l’essentiel. C’est le développement. L’essentiel, c’est lutter contre la
vulnérabilité dans notre pays, et nous allons travailler sur ça. Nous nous
mobilisons réellement sur ça, madame, je vous assure. Et puis les autres qui
n’ont pas encore compris, prendront le train en marche. Je suis sûre qu’ils
prendront le train en marche.