Amnesty International a documenté des cas de graves violations des droits humains commises par les forces de défense et de sécurité du Mali, du Niger et du Burkina Faso sur leurs territoires respectifs au cours d'opérations militaires, entre février et avril 2020. Ces violations consistent en au moins 57 cas d'exécutions extrajudiciaires ou d'homicides illégaux, et au moins 142 cas de disparitions forcées. Elles ont été commises dans un contexte où ces trois pays ont intensifié leurs opérations militaires pour lutter contre des groupes armés responsables de multiples attaques contre les forces de sécurité et de graves violations des droits humains contre la population. Amnesty International a recensé 199 incidents au Mali (Niono, région de Ségou), au Burkina Faso (Ouahigouya, région du Nord et Djibo, région du Sahel), et au Niger (département d'Ayorou, région de Tillabéri). L'organisation a mené 33 entretiens téléphoniques et « physiques »[1] avec des témoins, des victimes et leurs proches ainsi que des dirigeants locaux de ces régions. Les personnes interrogées ont été identifiées grâce à des recommandations d'organisations de la société civile et de dirigeants communautaires. Les entretiens avec les dirigeants de la société civile ont été menés en français, tandis que ceux avec les témoins, les victimes et leurs proches ont été menés en fulfulde (langue peule) avec l'aide d'un interprète. Les prénoms des personnes interrogées ont été modifiés pour préserver leur anonymat et les protéger de toute intimidation et d'éventuelles représailles. Amnesty International a décidé de ne pas révéler d'autres informations susceptibles de conduire à l'identification de ses informateurs. L'organisation a également recueilli des informations relatives à ces attaques, notamment des listes de personnes disparues/arrêtées dressées par des groupes locaux peu après leur survenue. Elle a également recueilli des photos des cadavres des victimes et de l'emplacement présumé de fosses communes. Si Amnesty International n'a pas été en mesure de vérifier la véracité de toutes les allégations contenues dans ces documents, elles ont été corroborées par plusieurs victimes et leurs proches qu’elle a pu interroger. Plusieurs événements décrits dans les paragraphes ci-dessous ont également été dénoncés par la Division des droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) et par des organisations de défense des droits humains[2].
EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES,homicides illégaux et disparition forcée au mali et AU BURKINA FASO,amnesty international alèrte

[1]
Les témoignages ont été recueillis par téléphone et en personne entre le 30
mars et le 10 mai 2020, au Mali (Bamako, Niono et Diabaly), au Niger (Ayorou et
Niamey) et au Burkina Faso (Ouahigouya, Ouagadougou et Djibo). Certaines des
personnes interrogées se trouvaient encore dans les localités citées dans ce
document. En raison des risques réels de représailles contre les informateurs, nous
avons décidé de préserver leur anonymat.
[2]
Pour les événements de Djibo au Burkina Faso, voir Human Rights Watch, « Burkina
Faso : Les forces de sécurité auraient exécuté 31 détenus », 20 avril
2020, https://www.hrw.org/fr/news/2020/04/20/burkina-faso-les-forces-de-securite-auraient-execute-31-detenus
MINUSMA, Note sur les tendances des violations et abus de
droits de l’homme (1er janvier-31 mars 2020), Division des droits de
l’homme et de la protection, avril 2020
Human Rights Watch, « Burkina Faso : Flambée d’atrocités commises par des
islamistes armés : Plus de 250 civils ont été tués lors d’attaques ciblées
et d’exécutions extrajudiciaires », 6 janvier 2020, https://www.hrw.org/sites/default/files/supporting_resources/burkinafaso_flambee_datrocites.pdf « Combien de sang doit encore
couler ? Atrocités commises contre des civils dans le centre du Mali,
2019 », 10 février 2020, www.hrw.org/fr/report/2020/02/10/combien-de-sang-doit-encore-couler/atrocites-commises-contre-des-civils-dans-le
[2]
Le G5 Sahel est une organisation régionale créée en février 2014 par le Mali,
la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad pour répondre à leurs défis
communs en matière de sécurité et de développement. Depuis avril 2017, une
force conjointe a été formée par le G5 Sahel pour répondre aux défis
sécuritaires dans les régions frontalières du groupe, en partenariat avec
l'opération Barkhane, une opération régionale anti-terroriste menée par
la France dans le Sahel.
[3]
Le sommet de Pau a été convoqué le 13 janvier 2020 pour évaluer la situation
sécuritaire dans la région du G5 Sahel, ainsi que le partenariat entre la
France et les cinq pays du groupe. Dans leur déclaration finale, ils ont
convenu de renforcer leur partenariat en matière de sécurité et de développement
et d'intensifier leurs efforts, notamment dans la région du Liptako-Gourma.
Voir Élysée, G5 Sahel : conférence de presse des Chefs d'État à l'issue du
Sommet de Pau, 13 janvier 2020, www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/01/13/sommet-de-pau-declaration-conjointe-des-chefs-detat
[4]
Les crimes de guerre sont définis comme des violations du droit international
humanitaire (traité ou droit coutumier) qui engagent la responsabilité pénale
individuelle en vertu du droit international et qui ont lieu pendant un conflit
armé international ou non international. Ils comprennent les homicides
délibérés et « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre
la population civile en tant que telle ou contre des civils ne participant pas
directement aux hostilités ». Dans la mesure où ces graves violations des
droits humains se produisent en lien avec les conflits armés non internationaux
au Mali et au Burkina Faso, elles constituent également des crimes de guerre.
Pour une explication détaillée sur ce qui constitue des crimes de guerre ou des
crimes au regard du droit international, voir la Cour pénale internationale, Statut
de Rome de la Cour pénale internationale, 2011, https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ADD16852-AEE9-4757-ABE7-9CDC7CF02886/283948/RomeStatuteFra1.pdf
[1] RFI, « Mali : après l'attaque de
Sokolo, réunion d'un conseil de défense », 27 janvier 2020 www.rfi.fr/fr/afrique/20200127-mali-attaque-sokolo-r%C3%A9union-conseil-d%C3%A9fense
[2] République du Mali, Décret no 2020/0034/P-RM
du 30 Janvier 2020 instituant l’opération Maliko, 30 janvier 2020
[3]
Entretiens téléphoniques avec des dirigeants locaux de Niono et des habitants
de Kogoni-Peul, 6, 7 et 10 avril 2020
[1]
Entretien téléphonique réalisé avec un habitant de Kogoni-Peul, 6 mai 2020
[2]
Entretien téléphonique avec des habitants de Kogoni-Peul et des témoins de
l'enterrement d'Oumar Diallo, 10 mai 2020
[3]
Pour rappel, le camp militaire de Diabaly a récemment été transféré aux
autorités maliennes par la MINUSMA (en octobre 2019) dans le cadre du soutien
de la mission des Nations unies au rétablissement de l'autorité de l'État et au
redéploiement de l'armée malienne sur le territoire national. Voir Olivier
Salgado. Point de presse de la MINUSMA du 31 octobre 2019, 31 octobre
2019, https://minusma.unmissions.org/point-de-presse-de-la-minusma-du-31-octobre-2019
[4]Entretien
téléphonique réalisé avec un proche d'Oumar Diallo, 10 avril 2020 et 6 mai 2020
[5]
Le prénom de cette personne a été modifié pour respecter son anonymat
[6]
Entretien téléphonique avec des habitants de Kogoni-Peul et des témoins de
l'enterrement d'Oumar Diallo, 6 avril et 10 mai 2020
[7]
Entretien téléphonique avec des habitants de Kogoni-Peul et des témoins de
l'enterrement d'Oumar Diallo, 6, 10 avril 2020 et 6 mai 2020
[1]
Entretien téléphonique avec trois responsables de la société civile au Burkina
Faso (30 mars 2020) et avec des proches des victimes les 31 mars et 28 avril
2020
[2]
Entretiens téléphoniques avec un proche de la victime, 31 mars 2020 et 2 avril
2020 et entretien téléphonique avec un dirigeant de la société civile, 30 mars
2020
[3]
Entretien téléphonique avec des proches de la victime, 31 mars et 2 avril 2020
[4]
Entretiens téléphoniques avec des dirigeants de la société civile et un proche
de la victime, 2 avril 2020
[5]
Entretien téléphonique et correspondance avec un dirigeant de la société
civile, 2 avril 2020. Sur ces événements de février 2019, voir Tiga Cheick Sawadogo,
« Droits humains et lutte antiterroriste : Le MBDHP révèle des
exécutions sommaires », Le Faso.net, 14 mars 2019, https://lefaso.net/spip.php?article88525