Président de la Banque africaine de développement (www.AfDB.org). Ancien ministre de l’Agriculture du Nigeria, il a reçu le Prix mondial de l’alimentation en 2017.
Nous
sommes engagés dans une course contre la montre pour enrayer la
pandémie de Covid-19. Alors que cette lutte mobilise l’attention du
monde entier, une nouvelle crise, qui pourrait provoquer encore plus de
victimes, se prépare en Afrique avec l’invasion massive de criquets.
Dans
toute l’Afrique de l’Est, des milliards de criquets pèlerins sont en
train de dévaster notamment le Kenya, la Somalie, l’Éthiopie, le Soudan,
le Soudan du Sud, l’Ouganda et Djibouti. Selon différentes
informations, leur nombre devrait augmenter et être multiplié par 400
d’ici à juin 2020, plaçant ainsi la région en situation de crise.
L’Organisation
des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime
que, si la situation n’est pas rapidement maîtrisée, cinq millions de
personnes supplémentaires seront confrontés à une crise alimentaire à
l’horizon de juin en Afrique de l’Est.
Une course contre la
montre sans précédent a commencé pour réduire de toute urgence la
progression et l’impact potentiellement dévastateur d’une double menace
meurtrière pour des milliers d’Africains : le Covid-19 et les criquets
pèlerins.
Nous savons tous que les pluies sont bonnes pour les
récoltes. Mais quand les pluies abondantes créent aussi un environnement
favorable à la reproduction des criquets, la joie et les promesses
d’abondance qu’elles devaient apporter font soudainement place à
l’accablement que provoque la perspective d’une famine. La meilleure des
périodes est-elle en train de devenir la pire ?
La reproduction
des populations de criquets a augmenté de façon massive. Une invasion de
criquets est un fléau qui se déplace avec des effets dévastateurs :
imaginez un tapis de criquets pouvant être constitué de 150 millions
d’individus couvrant un kilomètre pour chaque kilomètre carré.
Réfléchissez au fait qu’ils peuvent dévorer des cultures en une seule
journée qui, elles-mêmes, pourraient nourrir environ 35 000 personnes
(2). En Afrique de l’Est, où la FAO estime qu’environ 20 millions de
personnes sont déjà en situation d’insécurité alimentaire, les
conséquences seront dévastatrices (1) (2).
La crise provoquée par
les criquets pèlerins fait son apparition au moment même où le
continent doit faire face à la pandémie de Covid-19. Ce sont deux
situations difficiles à affronter.
Aujourd’hui, malheureusement,
les choix de millions de pauvres sont étrangement similaires : rester
confiné et éviter de mourir du coronavirus ou mourir de faim en restant
chez soi.
C’est ce qui est déjà en train de se produire. Il y a
quelques jours, des émeutes provoquées par la faim ont éclaté à Kibera,
le plus grand bidonville du Kenya : les gens se sont piétinés les uns
les autres, contrevenant aux instructions données en matière de distance
physique minimale à garder entre individus - recommandées pour enrayer
la propagation du coronavirus - pour se procurer de quoi manger. Le
coronavirus tue, mais la faim tue beaucoup plus de monde.
À cause
du confinement imposé par la pandémie de Covid-19, le personnel chargé
de la lutte contre les parasites ne peut pratiquement pas sortir pour
pulvériser. Bien que les restrictions aient été levées pour les avions
utilisés pour la pulvérisation, ils demeurent dans la
quasi-impossibilité, à cause du dérèglement des chaînes
d’approvisionnement (3), d’accéder aux produits chimiques.
Il
semble bien que ceux qui parviennent à échapper à la pandémie de
Covid-19 seront bientôt confrontés à celle du criquet pèlerin. Rien
qu’en Afrique de l’Est, le nombre de personnes touchés par la famine
pourrait atteindre 30 millions.
Il existe plusieurs
recommandations vitales grâce auxquelles, dès à présent, nous pouvons
agir. Il s’agit, premièrement, de la création d’un « canal vert »
permettant la libre circulation des aliments et des intrants agricoles
ainsi que celle des pesticides destinés au contrôle des attaques de
parasites ; deuxièmement, de la mise en place de mesures permettant
d’empêcher la hausse des prix des denrées alimentaires en mettant à la
disposition des populations, les produits provenant des réserves de
céréales du gouvernement et en appliquant une politique destinée à
empêcher la constitution de stocks à des fins de spéculation ;
troisièmement, du développement rapide et à grande échelle de techniques
de production de biens alimentaires dont, notamment, celles portant sur
les cultures de base à rendement élevé, à maturation précoce,
tolérantes à la sécheresse, et résistantes aux maladies et aux
parasites, ainsi que celui de programmes comme le programme phare de la
Banque africaine de développement, l’initiative « technologies pour la
transformation de l’agriculture en Afrique » (TTAA).
La bonne
nouvelle est que la Banque africaine de développement s’est associée à
la FAO pour se placer à l’avant-garde de cette course contre la montre
sans précédent. La Banque vient d’approuver l’octroi d’un don de 1,5
million de dollars américains à l’Autorité intergouvernementale pour le
développement (IGAD) et à la FAO pour soutenir les efforts de lutte
contre les criquets pèlerins et sauvegarder ainsi les moyens de
subsistance en Afrique de l’Est et dans la Corne de l’Afrique. Augmenter
l’aide sera néanmoins nécessaire.
S’il y a une chose en ce
moment, dont l’Afrique se passerait volontiers, alors que nous luttons
déjà contre la pandémie de Covid-19, c’est bien la famine !
Le
coronavirus a entraîné la communauté internationale sur une voie
imprévisible. Heureusement, nous sommes capables de prévenir la crise
provoquée par les criquets et d’y mettre fin. Pour que cela se produise,
nous devons tous nous rallier à la FAO pour apporter les 153 millions
de dollars nécessaires.
La crise sanitaire due à la pandémie de
Covid-19 ne peut pas et ne doit pas être suivie d’une crise alimentaire
due à l’invasion des criquets pèlerins.
COVID-19/La BAD s'est associée à la FAO pour se placer à l'avant-garde de cette course contre la montre sans précédent

En
plus de la crise sanitaire du Covid-19, l’Afrique ne peut pas se
permettre de subir une crise alimentaire due au criquet pèlerin (Par
Akinwumi Adesina)
La
bonne nouvelle est que la Banque africaine de développement s’est
associée à la FAO pour se placer à l’avant-garde de cette course contre
la montre sans précédent
Distribué par APO Group pour African Development Bank Group (AfDB).